Tout sur ma Mère, Pedro Almodóvar (1999). Ou comment j’ai découvert les notions de drogues, putes, travestis et sida. Woulélé. J’avais onze ans, je ne voulais pas dormir et suis allée « tenir compagnie » à ma maman dans sa chambre (alors qu’elle voulait juste être tranquille, je suppose). Grande fan de la culture hispanique et de son réalisateur le plus connu depuis Buñuel, Pedro Almodóvar, elle regardait Todo sobre mi Madre qui passait à la télé. Et je suis restée scotchée, assise sur le bord de son lit, en pyjama. Même si je ne comprenais presque rien. En le revoyant avec plus de bouteille, on se dit « ah ouais, ben… ouais ».
Pour toutes celles qui n’ont pas pris LV2 Espagnol (on vous l’aura forcément montré en cours) / ne sont pas des fans d’Almodóvar / des filles cachées de ma mère : un récap’. [PS : attachez vos ceintures de chasteté, parce que résumer un Almodóvar, c'est corsé.]
Manuela (Cecilia Roth, la blonde sous la pluie là) a un métier de rêve : quand quelqu’un meurt dans son hôpital de Madrid, elle gère les dons d’organes (l’annonce aux proches, aux futurs transplantés et autres réjouissances). Elle a aussi un fils, Esteban. Elle ne vit que pour lui, il ne vit que pour elle. Il écrit le scénario d’un film, Tout sur ma mère, qui parle de sa mère et de sa vie, de son métier. Avant, elle était actrice et c’est dans la pièce de Tennessee Williams, Un Tramway Nommé Désir, qu’elle a rencontré le père d’Esteban (qu’il ne connaît pas). Pour ses 18 ans, elle emmène son fils voir une représentation de cette pièce. Il a tellement aimé qu’il oblige sa mère à attendre la sortie des acteurs, sous la pluie, pour avoir un autographe de Huma Rojo (Marisa Paredes), la star de la pièce. Il court après leur taxi avec son carnet, une voiture le percute et il meurt sur le coup.
Ensuite, Manuela fuira Madrid pour rentrer à Barcelone afin de chercher le père d’Esteban. Sauf qu’il s’appelle Lola, qu’il a le sida et que c’est un travelo-prostipute. Elle retrouvera Agrado, une vieille amie travelo, refaite de partout mais 100% naturelle, mais aussi Rosa (Penelope Cruz), une bonne sœur qui s’est AUSSI faite engrosser par Lola et a, par conséquent, chopé le sida. Manuela prendra Rosa sous son aile, car elle se reconnaîtra en elle et voudra prendre soin du bébé, un autre Esteban. Parallèlement, elle se liera d’amitié avec Huma Rojo, l’actrice qui a causé la mort de son fils, et remontera sur scène à ses côtés.
[ndlr : Je bouscule les habitudes, pas de scène cette semaine, tout simplement parce que les seuls extraits dispo étaient en espagnol non sous-titré, mais une (très bonne) Bande Annonce qui devrait vous donner la megaupload-pulsion.] Riez / pleurez / kiffez :
La grande majorité des films d’Almodóvar met en scène des groupes de femmes, car elles incarnent l’origine non seulement de la vie, mais aussi de la narration et de la fiction : celles qui racontent des histoires à leurs enfants, et qui entre elles s’avouent tout et se mentent. Pour constituer ces groupes, il a ses actrices fétiches. Dans ce film, on en retrouve deux : Marisa Paredes (l’actrice) et Penelope Cruz (la sainte). Les femmes révèlent littéralement « tout sur elles » dans leurs dialogues et leurs attitudes.
La mise en scène souligne ces aspects de recul et de découverte de soi par des miroirs, à comprendre : chaque femme est le reflet d’une autre. Mais aussi par des mises en abyme et la duplicité des personnagesqu’affectionne particulièrement Almodóvar : la spectatrice qui se reconnaît dans l’héroïne de la pièce de théâtre, la mère qui revit son histoire par le biais d’une autre, l’homme qui travaille pour être la femme qu’il est réellement. Ce que dit ce film, c’est qu’en toute femme il y a une mère, une actrice et une sainte et qu’en tout homme, il y a une femme.
La mère et le fils regardent un film : All About Eve, avec Bette Davis incarnant une star du théâtre, qui donnera à Esteban l’idée du titre de son scénario, et aussi le titre du film : All About My Mother. Pedro Almodóvar dédie ce film à la Bette Davis de All About Eve, à la Gena Rowlands de Opening Night (d’où il s’inspire pour la scène de demande d’autographe sous la pluie) et à la Romy Schneider deL’important c’est d’aimer : trois actrices qui jouent des actrices et qui, avec tout leur esprit (fumée, alcool, solitude, abandon, folie, compréhension et désir), donnent vie aux personnages de Tout sur ma Mère.
UNE réplique : « Una es más auténtica cuanto más se parece a lo que ha soñado de sí misma. » – Agrado. (Une femme est plus naturelle quand elle ressemble le plus à ce qu’elle a elle-même rêvé d’être.)
A savoir : Pedro Almodóvar a été élevé par un groupe de femmes, c’est pourquoi elles ont toujours les premiers rôles dans ses films. | A remporté le César et l’Oscar du meilleur film étranger, le Prix de la Mise en Scène à Cannes (en 1999) et 7 Goya (les César espagnols). | Si, comme moi, la musique de la bande-annonce vous met en transe (Ismael Lo – Tajabone), c’est un hymne traditionnel sénégalais et il figure dans la superbe BO du film.
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