mercredi 18 décembre 2013

Fred & Ginger dans Top Hat

Aujourd’hui, c’est un peu spécial. J’ai décidé de faire fi de tout et de me faire complètement plaisir en vous parlant, pleine d’amour, de cette scène. J’en ai vu des films, mais si le diable venait tous les brûler et qu’il me disait « Anne-Lucie, tu peux garder une scène, mais une seule ! » de sa voix puissante (ouais, des fois je m’invente de ces trucs) eh bien, ce serait celle-là. Et je m’en vais vous dire pourquoi (Vazy, j’ai déjà envie de pleurer).
Scène Culte #6 : Fred Astaire et Ginger Rogers dans Top Hat astaire rogers 35 top hat cheek to cheek montage 1
Top Hat, à traduire par « Chapeau haut de forme », Le Danseur du Dessus en français (ne cherchez pas) est un film de Mark Sandrich (1935) starring le couple mythique Fred Astaire/Ginger Rogers. Des 10 films qu’ils ont tourné ensemble, c’est le plus connu (et le meilleur) et pour beaucoup de monde, ce film ne se limite qu’à une scène de danse : « Cheek to cheek » (« joue contre joue »). C’est un peu dommage, mais très compréhensible. Parce que cette scène n’est autre qu’un moment de grâce ultime, la cristallisation de l’amour, une performance incroyable à tous les niveaux, et surtout un spectacle visuel sans égal. [Ndlr : toutes ces déclarations ne sont que mon avis, mais sachez que j'ai raison.] Avant d’en discuter, on va la regarder. Note 1 : Regardez bien les décors. Note 2 : Vous pardonnerez les sous-titres espagnols, mais c’était la seule vidéo qui était de bonne qualité et qui ne coupait pas le final sublime.



Maintenant, deux choses : 1) Elle porte des talons. Vous avez vu les jetés qu’elle fait ? Moi ça me coupera toujours le sifflet. Et 2) Vous aurez sûrement remarqué l’objet principal de la scène : la robe de Ginger, en soie (bleue, mais on ne le sait pas, et j’ai presque envie de mourir sur place de n’avoir pas vu cette scène en couleur) et une myriade de plumes d’autruches. Vous m’accorderez que c’est cette robe qui fait toute la scène : elle marque chacun de leurs gestes, offreune seconde danse à elle seule, est complètement aérienne et donne une impression de matière très forte à la scène. C’est limite de la 3D. Eh bien, cette robe a failli ne pas être retenue. Rapide topo : faite sur mesure, tellement complexe que le styliste a mis très longtemps à la réaliser, aucune répétition n’a été faite avec cette robe. Le jour du tournage, elle arrive et tout le monde panique « jamais tu n’arriveras à danser avec une robe pareille », qu’ils disaient. Ils font juste une prise, vite fait, pour essayer. Ben mes amies,c’est celle que vous venez de voir.
Anecdote : Fred et le réalisateur ont longtemps taquiné la pauvre Ginger en modifiant les paroles de la chanson ainsi : « Feathers, I hate feathers… » (et moi je glousse telle une hyène #humourdecinéphile).
Revenons aux choses sérieuses. Élégance, paillettes, costumes extravagants et décors somptueux à Venise sont les éléments principaux du film, tourné pendant la période de la Grande Dépression aux États-Unis (suite au krach de 1929). Ce film, comme de nombreux autres à cette époque, reflétait un univers totalement étranger à la misère et aux difficultés que traversaient les américains ; ils allaient au cinéma pour se vider la tête et voir de belles choses. La première vocation de ce film est d’être un beau spectacle. En voici la preuve par deux. (Si vous décrochez, je comprendrai.)
1) « Cheek to cheek » est montrée dans le film de Woody Allen La Rose Pourpre du Caire (1985) de la plus belle des façons. L’héroïne (Cécilia - Mia Farrow) est dans la situation de l’américain « moyen » des années 30 très touché par la crise : sans emploi + quittée par celui qu’elle aimait, bref VDM totale. En plein désespoir, elle se réfugie dans une salle de cinéma sans même regarder l’affiche, on y passe « Top Hat ». Au départ elle a les yeux baissés, puis finalement …



… devant « Cheek to cheek », elle est transfigurée. On voit la scène par le biais de la lumière sur son visage et qui se reflète dans ses yeux. Là, j’ai envie de citer André Sauvage : « Une après-midi, par un beau soleil, entrez dans une salle… Asseyez-vous comme un aveugle. Vous êtes mort; l’écran vous ressuscite ». Voilà. Et pourquoi cette scène? Parce qu’elle est gracieuse et scintillante mais aussi qu’elle est la définition visuelle de l’accord parfait entre un homme et une femme, entre la musique et la danse, l’image et le son, le noir et le blanc. Romantique et onirique, c’est LA scène de la perfection. Et si jamais vous n’étiez pas encore convaincue, cela devrait vous achever :

2) La Ligne Verte de Franck Darabont (1999), ou l’ultime souhait, les dernières images que l’on veut à l’esprit avant de mourir. Cette scène est à elle seule une certaine idée du cinéma, une représentation de quelque chose qui est très loin de la vie réelle (grâce aux costumes, à la force de l’orchestre qui accompagne parfaitement les mouvements de danse très techniqueset au décor – Venise en carton pâte) et qui, lors du visionnage de la scène nous souffle sans arrêt : « Tu vois, ça, c’est du cinéma. C’est ça, le cinéma. »
Et ces deux films reprenant « Cheek to cheek » ne sont pas les seuls. On retrouve la scène reprise dans Les Misérables (de Claude Lelouch) entre autres, et même dans des séries télé comme Les Simpsons et I Love Lucy (youtubez ça pour les plus motivées).
Pitch du film : Un danseur américain, leader d’une nouvelle comédie musicale, fait des claquettes dans sa chambre d’hôtel et réveille sa belle voisine du dessous qui vient se plaindre. Ils tombent amoureux. Toute l’équipe s’en va à Venise après le succès de la première. S’ensuivent une série de quiproquos amoureux et de scènes de danse.
A savoir : Après ce tournage, Fred Astaire ne cessa jamais d’appeler Ginger « Feathers ».

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